Voilà une femme étranglée par la force des mains, et introduite dans une cheminée, la tête en bas. Des assassins ordinaires n'emploient pas de pareils procédés pour tuer. Encore moins cachent-ils ainsi les cadavres de leurs victimes. Dans cette façon de fourrer le corps dans la cheminée, vous admettrez qu'il y a quelque chose d'excessif et de bizarre, - quelque chose d'absolument inconciliable avec tout ce que nous connaissons en général des actions humaines, même en supposant que les auteurs fussent les plus pervertis des hommes. " Aucun homme... n'a raconté avec plus de magie les exceptions de la vie humaine et de la nature ; - les fins de saisons chargées de splendeurs énervantes ; - l'hallucination convaincue et raisonneuse comme un livre ; - l'absurde s'installant dans l'intelligence et la gouvernant avec une épouvantable logique " (Baudelaire).
L'homme est lui-même et ce qu'il se cache. Ce secret hanta Edgar Poe. Le descendant de la maison Usher qui croit sa soeur morte, l'assassin du chat noir et William Wilson sont victimes de leur double, le cousin de Bérénice l'est de sa névrose obsessionnelle, le peintre du portrait ovale, de son art. Dans ces nouvelles fantastiques, prolongement des Histoires extraordinaires, les cadavres se promènent, un sourire ironique aux lèvres, les femmes sont "belles comme un rêve de pierre", et la mort clôt chaque récit.
L'envoûtement est total, l'horreur atteint son point culminant et pourtant la réalité est là, tangible, pour chasser l'irrationnel. Fasciné par cette oeuvre américaine, Baudelaire l'a traduite admirablement et rendue célèbre dans le monde entier.